« Dans ce boulot, tu n’es pas licencié, tu es désactivé » − Erol, livreur à vélo à Lille

« Tout le monde n’est pas fait pour être salarié »
Déclaration d’Emmanuel Macron, le 11 janvier 2016

Delivroo

pdf pictoLe programme du gouvernement Macron-Philippe peut se résumer ainsi : remise en cause des droits des salariés et extension de la précarité à tous.

Le gouvernement veut :

– Aller encore plus loin que la loi El Khomri, c’est-à-dire généraliser les accords d’entreprise et atomiser les droits des salariés entreprise par entreprise.

– Suspendre le versement des allocations chômage après le refus de plus de deux offres d’emploi dit décent, pour un salaire qui peut être inférieur de 20 à 25 % au dernier salaire reçu.

– Généraliser les petits boulots, les contrats sous-payés qui frappent déjà des centaines de milliers de jeunes et de moins jeunes.

– Étendre le statut d’auto-entrepreneur. Déjà, plus d’un million de travailleurs* ont été contraints d’adopter ce type de statut. Derrière ce titre ronflant, ces travailleurs, pour un revenu équivalant à un Smic, ne peuvent plus bénéficier des droits arrachés depuis plus d’un siècle… puisque l’on n’est plus salarié. C’est ce que des journalistes ont appelé « l’ubérisation de la société » : généraliser la précarité à toute la classe ouvrière. Tel est le programme de Macron. Peut-on laisser faire ?


Extrait de l’un des témoignages publiés dans La Tribune des travailleurs n° 89 :

Erol, livreur à vélo à Lille (Nord)

On les croise dans les rues des grandes villes. À vélo, un chargement sur le dos, qu’il vente ou qu’il pleuve, ils livrent des repas à des particuliers pour une plate-forme de livraison. Nous avons rencontré Erol, livreur et « auto-entrepreneur » depuis deux ans.

Comment es-tu devenu coursier-livreur ?

Tu postules sur Internet, il y a quelques formalités, il n’y a besoin d’aucune compétence particulière. Ça donne l’idée qu’avec un smartphone et un vélo, tu peux trouver très facilement du travail. Tout se passe par Internet, jusqu’à ce que tu sois convoqué à un « shift » d’essai (tout est en anglais : un « shift », c’est un service).

Mais quel est ton statut ?

Une fois sélectionné, tu dois devenir auto-entrepreneur. Les formalités sont très simples. C’est accompagné d’un discours te disant que « tu seras plus libre ». On met en avant les aspects attrayants : possibilité de travailler quand tu veux, et on te fait miroiter un revenu de 23 euros l’heure, ce qui est très exagéré. Enfin, on finit par rencontrer une personne en chair et en os : le « city-manager », qui est généralement un jeune sorti d’une école de commerce et entouré d’une armée de stagiaires. Là, tu signes un contrat. On te prête le matériel, moyennant une caution : sac de livraison, tee-shirt, veste.

En quoi consiste ton travail ?

Le système est organisé autour d’une application sur le smartphone. À jour fixe et heure fixe une fois par semaine, l’entreprise fournit le planning de la semaine. Et là, c’est la guerre entre les livreurs ! Chacun est derrière son ordinateur et se bat pour avoir du travail, pour réserver le maximum de créneaux. Plus on est nombreux, plus cela réduit la quantité de créneaux. En dix minutes, tous les créneaux ont été pris. Si tu n’as pas réussi à te connecter à Internet, tant pis.

Lors de chaque créneau, tu dois être disponible, connecté à l’application sur ton smartphone, tu es en ville à vélo, tu reçois des commandes et tu dois aller les chercher dans un restaurant et les livrer. Tu as le droit de refuser une course, mais cela est pris en compte par l’application, qui tient à jour des statistiques sur chaque livreur : taux d’acceptation, statistiques sur ta ponctualité, état de la marchandise… Cela permet aussi de comparer les livreurs. Si tes statistiques ne sont pas satisfaisantes, ils se séparent de toi (…).

Lisez la suite de ce témoignage dans La Tribune des travailleurs

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* Les Échos, 28 février 2017.